C'est difficile de flirter dans une langue non maternelle (1)
WUH to CDG
En comptant avec mes doigts, deux fois, je me suis rendu.e compte à l’heure d’écrire que c’était ma huitième année en France.
Il est énorme pour quelqu’un de passer presque un tiers de temps de sa vie dans un pays étranger, où ne vivent pas sa famille, où iel avait débarqué avec une valise et un sac à dos, la destination dont iel avait une image relativement floue mais iel trouvait une vraie excitation derrière ce flou, qui avait pu lui faire surmonter son inquiétude pour prendre son un premier vol international.
Je ne peux donc m’empêcher de penser à toutes les personnes qui ont débuté leur parcours migratoires depuis un pays lointain et leurs motivations au moment du départ, dans le livre DIARY OF COLLECTIVE HEARTBREAK, l’héroïne Chai parlait que ses parents lui avaient offert la possibilité d’immigrer pour “imaginer une meilleure vie” et “échapper au destin colonisé en tant que taïwanais.e”, ceux-là lui faisait sentir que sa destinée d'émigrante était liée à celle de Taïwan. Alors pourquoi moi ai-je décidé de partir ?
Pour pouvoir continuer mes études en art et vivre dans un pays où le couple homosexuel a le droit de se marier, la réponse était simple et pragmatique en 2015. C’était deux ans après la palme d’or de film La Vie d’Adèle et la légalisation de mariage pour tous en France, durant ces deux ans, tandis que les critiques de cinéma et les communautés homosexuelles en Chine parlaient de ce film aux réseaux sociaux, certains sujets autours des droits LGBT+ et ses évolutions en Europe avaient pu être mentionnés, qui faisait exceptionnellement une petite ouverture sur cette thématique silenciée et dissimulée dans la société chinoise.
J’étais à la fois naïf.ve pour me désigner facilement une destination et clairvoyant.e d’avoir senti que je serait étouffé.e par la situation politique en Chine si j’y resterais. Je suis d’abord arrivé.e à Lyon, une ville qui n’est à mon avis pas très chaleureuse, un peu trop conservatrice et en manque de mixité sociale. Étant qu’une femme lesbienne à l’époque, je me projetais bien sûr de me trouver une vie communautaire, des rencontres, sorties, activités entre les gouines (je ne connaissais pas encore le mot “gouine” mais c’était ça l’esprit), j’attendais avec l’impatience de découvrir le premier bar lesbien dans ma vie, sauf que finalement cette visite est arrivée quatre ans plus tard.
Il est difficile de flirter en utilisant la langue qui n’est pas la langue maternelle, surtout quand on vient d’un pays où les gouines n’ont pas beaucoup d’espaces y sont destinés, et quand on est dans un pays où les gens adorent parler.
À cause du manque d’expérience et “d’entraînement”, plus de la barrière de la langue, je me suis trouvé.e seul.e, souffrant de la solitude, de ne pas avoir la chance de désirer ou d’être désiré.e. J’avais pris du temps pour comprendre que la langue n’est qu’une seule strate de la barrière, pour marquer son appartenance à un groupe ou à une communauté, l’acquisition des codes sociaux comme par exemple les signaux corporels sont aussi importants que les formulations linguistiques.
(to be continued)


